samedi 30 septembre 2017

critique

L’éloignement du soleil, anonyme,
éditions de l'écrin, Paris, 2016
289 pages



C’est un livre sur la lumière et sur l'ombre. Sur « la brûlure et son soulagement », titre du premier chapitre de cette chronique où se mêlent les mots de dizaines de personnages qui se racontent les uns les autres, les uns aux autres, dans une temporalité vague et souvent déroutante, dont la chronologie apparente se dérègle à mesure que l’on s’enfonce dans le livre. Ces voix qui se répondent sans toujours s’adresser la parole sont difficiles à discerner. Jamais nommées, elles évoquent différentes dimensions, différentes versions d’un même narrateur, qui est tour à tour homme, femme, enfant, animal, vivant ou mort. Ce sont des voix du désert que l'on entend, des voix de la chaleur écrasante et de la clarté qui aveugle. Elles on en commun la recherche de l’abri, de l’ombre et de l’étanchement de la soif. A force de fuir la lumière, les personnages s’enterrent, deviennent des créatures souterraines. C’est l’allégorie de la caverne renversée. Ce faisant, ils se parlent, débattent et argumentent, racontent, chantent et ré-inventent l'histoire de leur enfouissement, créant la nostalgie de la lumière qu'ils ont fui pour échapper à la brûlure. Tous ne s'inventent pas la même histoire. Certains se présentent comme "ceux qui ont toujours été ce qu’ils sont devenus", et se nient à eux-mêmes la possibilité d'une origine. D'autres essaient de retrouver ce qu'ils étaient quand le soleil touchait leur peau sans la détruire, quand les rivières coulaient encore à la surface, face au ciel.



L’éloignement du soleil emprunte à la fois au mythe, à la fable et au roman philosophique, tout en évoquant les pensées et les chants de la dissolution de la subjectivité. Navigant quelque part entre la plus blanche des littératures et Héraclite l'obscur, d'une érudition presque archaïque, son écriture est désincarnée, spectrale, rituelle, proche par moments de la litanie ; la répétition des mots, de phrases, des tournures, des rythmes, entrainent qui veut lire ce livre dans une transe poétique, une transe dont le geste réitéré jusqu'à l'hypnose est celui de creuser, de creuser encore le langage pour y chercher le refuge de l'ombre.









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